4 mai 2010

Tout un art

#savoirfaireabstraction




Tiffany n’est pas ce que j’appellerai une artiste. A moins que tremper ses mains dans de la peinture rose fuchsia et s'en servir en tant que pochoirs pour ses meubles puisse être assimilé à de l’art. Mais Tiffany est quand même très réceptive à tout ce qui concerne l'art contemporain et adore gloser sur des œuvres incongrues faites de papier mâché fluorescent. Ça tombe bien, moi aussi.
C’est donc tout naturellement qu’elle m’a demandée de l’accompagner au vernissage du salon Art Fair du Grand Palais de Lille, puis qu'elle m'a invitée à l’inauguration d’une galerie éphémère.

Bilan : c’est beau et abyssal, torturé et incompréhensible, enluminé et époustouflant. Mais l’adjectif qui conviendrait le mieux c’est sûrement « cocasse ». Avoir un fou rire devant une photographie de pieds de poules et manquer de s’étouffer face à une souris dépecée ? Done !

En fait, il faut dire que le contexte ne nous aidait pas à garder notre sérieux.
A peine arrivées, on a remarqué un certain détonement avec la faune locale. Les talons et la robe de cocktail ne suffisaient pas à nous fondre dans la masse, il nous aurait fallu un petit truc en plus. Comprendre par là : une paire de santiags rouge coquelicot, un collier extravagant en tissu, des escarpins transparents ou même un tatouage Donald ou Pocahontas (on a vu au moins deux personnes avec des personnages de Disney dessinés sur le bras… #marjacobsisatrendsetter). Par contre, le détail excentrique était toujours combiné à un accessoire de mode : perruque rose mais dernier sac Miu Miu, piercings partout sur le visage mais foulard Maje dessiné par Ariel Wizman. Bref, on s’est bien amusées à voir défiler ces pointures de l’originalité et je dois dire qu’au final, même si on s’est ouvertement moquées d’eux, on a adoré leur côté délurostylé.

Le Cosmopolitan gratuit ne nous a pas facilité la tâche non plus. Le barman l’a fait devant nous, à la Brian Flanagan, en maniant le shaker à la perfection. On a eu envie de lui dire de y aller mollo sur la Vodka et le Cointreau, mais il a du penser que, bourrées, on achèterait plus facilement les œuvres.

Nous étions donc un peu guillerettes, accompagnées d’une foule atypique, tentant de décrypter le sens caché des créations.

« Oh regarde, un abattoir japonais ! Mais attend, ce sont des femmes mortes à la place des vaches non ? Mais c’est bizarre, il n y a pas de sang ! Mais si on dirait des mannequins, de cire, comme des Barbies non ? Ah non j’ai trouvé, ce sont les nouveaux jouets sexuels asiatiques, des poupées gonflables plus vraies que nature. »

« Qu’elles sont chou ces deux petites jumelles… Ah, selon toi c’est une seule enfant photographiée deux fois ? Mais là ses yeux sont différents, et sa bouche aussi, non ? Ou alors c’est des jumelles sosies. Oui en même temps c’est vrai que la caractéristique des jumelles c’est de se ressembler…»

« David Lachapelle, ce génie de David Lachapelle !! Regarde ce gros cochon dégueulasse qui frappe Pamela Anderson. Et l’hamburger géant qui écrase l’anorexique ? Tellement cru, tellement gore, tellement porno, tellement pop. Je suis faaaaaaaaaaan. Comment ça je m’emporte un peu trop ? »

Au fil de l’exposition, on a aussi fait des rencontres surprenantes.

« Kéké ? Mais qu’est ce que tu fais là ?
- En fait je suis modèle pour Maxime Dufour. J’ai posé pour une de ses photos.
- Ah montre moi, c’est laquelle ?
- Ben là en fait il y a une fille qui a le visage collé dessus donc tu ne peux pas trop voir.
- Ok j’irais jeter un coup d’œil après, mais dis moi ce que ça représente ?
- Sur la photo je suis complètement nu dans un parking avec un masque de lapin.
- Glurp. Ok. Donc maintenant je comprends mieux pourquoi Tiffany est prostrée devant depuis 15 minutes ! »

« Bonjour mesdemoiselles, mes œuvres vous intéresse ?
- Oui, on aime beaucoup.
- Par ce mélange de relief, de naïveté et d’horreur, de mélancolie et de passions, et de collages superposés, j’ai essayé de révéler la candeur de la société post moderne. J’ai voulu absoudre cet hygiénisme intemporel qui réhabilite la capacité de s’évader et de se pourvoir de tous les agrégats nocifs.
- ….
- C’est 18 000 euros, je vous donne mon numéro de téléphone ? »

Le moment le plus étrange se passa lors du deuxième vernissage, dont le thème était « anémie ». Déjà, le ton était donné. On était dubitatives devant une série de portraits et on cherchait désespérément à en déchiffrer le message. Sur des toiles, des scènes religieuses, type résurrection et annonciation, étaient représentées en noirs et blancs par des clowns dont seulement le nez rouge ressortait du panneau grisâtre. En fond, des inscriptions latines se mêlaient à des mots français comme « vivre » ou « manifestation ». Personnellement, j'étais complètement imperméable au concept, sûrement parce que j’ai un énorme problème avec les clowns depuis mon enfance. Ils ne m’ont jamais fait rire, j’en ai même peur. Ce nez, ces cheveux, cette peau toute blanche, ces grandes chaussures, brrrr. Et aussi parce que j’ai vu « It, il est revenu » de Stephen King alors que j’avais 6 ans.

Pas convaincues, on était prêtes à partir quand quelqu’un nous tapa sur l’épaule. « Alors mesdemoiselles, vous en pensez quoi ? Mes œuvres vous plaisent-elles ?». Et allez, encore un peintre imbu de sa personne qui veut qu’on le complimente! J’affichais donc mon plus beau sourire, je me retournais et me préparais à le féliciter #fauxculquejesuis. Mais à peine m’étais je retournée que je poussais un cri de frayeur... ce con s’était déguisé en clown ! Toute la salle m’a regardée, je suis devenue aussi rouge que son nez.
Autant dire qu’il n’a pas eu les compliments qu'il escomptait.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire