28 août 2010

Just another of those glory days

#girlsjustwannahavefun
Il est tard. Dans une discothèque provinciale, deux filles sont installées sur une banquette. Le DJ passe un son électro expérimental qu’elles ont fait semblant d’aimer pour se faire payer des verres par deux prétendus journalistes. Elles s’ennuient ferme. Face à leur Gin Tonic, entre deux sourires, elles cherchent un truc drôle à dire quand la guitare de Heavy Cross se fait entendre.  Leurs yeux se croisent sur les notes cristallines et elles se mettent à hululer en rythme pour imiter Beth Ditto : « It’s a cruel cruel world to face on your own… » Les types rigolent mais elles s’en foutent, les gens se sont mis à danser. Le rythme s’accélère et elles se lèvent pour crier: « I TRUST YOU, IF IT’S ALREADY BEEN DONE, UNDO IT. » Un gamin improbable arrive pour imiter le guitariste tandis que les deux filles continuent de s’égosiller à pleins poumons en sautant dans tous les sens. Au moment du break, elles vont se placer sur un podium dans la lumière rasante pour susurrer « ah ah aïe, ooohohoh yeahay, ah ah ah ah ah AÏE, OHOHOH, YEAHAY YEAHAAAAY. » Puis elles sautent à la reprise du refrain, glissent sur leurs genoux, applaudissent leur musicien fictif et retournent à leur table pour prendre leur première gorgée de Gin, #ilfaitsoif.
Et voilà comment est née notre idée stupide de monter un groupe... Suite à quelques collants filés, des cheveux collés par la sueur et l’ironie de deux pigistes imbibés : « Alors les filles, ça vous tenterait pas la scène, vous semblez plutôt à l'aise? » Tout ça alors qu’on ne connaît rien au solfège ni aux accords et que nos potes du collège nous jetait des pièces en cours de musique parce qu’on chantait faux #alwaysdreambig.
Ouais mais si on veut que notre groupe marche, dans un premier temps il nous faut un nom putassier, un blaz’ de bâtard qui claque. Pas un nom de chamallow rouillé qui évoquerait la paraffine et les champs de coton. Bruno Vandelli nous a bien proposé sa manne d’inspiration mais on a trouvé qu’il était plus sage de refuser #remember. On préfère un brainstorming en mode Moleskine : il nous faut un nom à la fois sobre mais coloré, crédible mais déphasé, subtil mais évident. Il y a la piste du nom de groupe animal à l’instar des Artic Monkeys, Grizzly Bear ou Pony Pony Run Run mais on peut vite virer esprit 30 millions d’amis et Les Malbrouk comme nom de scène ça n’envoie pas vraiment du fat. AC/DC, LMFAO, R.E.M, MGMT, ont marqué les esprits grâce à leurs initiales, mais les PZK ont voulu essayer, et ils ont échoué, donc on évitera ce chemin sinueux. Et si on mettait un chiffre comme U2, The XX ou Maroon 5 ? Genre Frenchies 88 ou AprilNatives 716 ? Ca aurait un petit esprit Meetic meets Chatroom pas des moins adaptés, non ?
Bon ensuite il faut lancer le groupe. Pour se faire on pourrait réaliser un clip et créer le buzz sur Twitter. Bye bye les labels et les maisons de disques, hello le monopole des réseaux sociaux et le personal branding. On réaliserait une vidéo en noir et blanc, digne des grandes années du muet, sur fond de #gabbagabbahey et de sauce Something à la mode. Greta Garbo et  Louise Brooks seraient nos références, nos mentors d'un autre temps.  Ça ferait sacrément l’affaire. Pour le chant, ce serait judicieux de faire la démo aux alentours de 4h du matin, après une soirée enfumée et arrosée, où nos voix, éraillées et voilées, joueraient l’illusion parfaite. 
Il se pourrait que ça marche, que l’on troque les ballerines Repetto et les amphithéâtres contre des boots sulfureuses et la première partie d’Arcade Fire. Il se pourrait aussi qu’on ne fasse rien de tout ça, qu’on repose notre Gin Tonic et qu’on se contente d’aller applaudir nos idoles à Rock en Seine. Ce serait certes moins excitant mais beaucoup plus prudent. Allez Saint Cloud, on descend de notre petit nuage et on débarque, ce week-end on va faire ce qu’on a toujours aimé faire, à savoir chanter faux ET fort ! 

5 août 2010

Make an educated guess

#cruciloliste

« Un optimiste est quelqu'un qui commence à faire ses mots croisés au stylo à bille. »

4 août 2010

Life in plastic, it's fantastic


#sacrérogerjouret


Plastic Bertrand, un mythe qui s’effondre, une déception sans nom. Le héros de toute une génération wallonne n’était en fait qu’un biaiseur de luxe qui nous a luxueusement baisé. Il avait compris la recette du succès, celle qui sera reprise par toutes les pré pubères des années 2000 : se teindre en blond et exceller dans l’art du play-back. Quel précurseur ce Plastic. Il avait même réussi à faire carrière avec un nom pareil. D’après une source proche, pour avoir un bon nom de scène il faut prendre le prénom de notre premier animal de compagnie et le nom de la rue où on habite. Petits florilèges : Chouquette Court Debout, Pompon horizon, Désirée Dufour, Cannelle Les Buissons, Cacahuète de Sébastien ou encore Totor des Ecuries. C’est imparable. Ça marche aussi pour une carrière dans le porno bien sûr.

Le quartier des filles faciles et de la littérature compliquée

#couldwefixyou

« La vie même quand ça se passe bien ça se termine mal. »

Souvent à l’écart, comme suspendu dans un monde à part, il n’est pas asocial, mais il a peur des autres. C’est différent, j’y tiens. Les autres le forcent toujours à être quelqu’un, alors que lui n’est lui que quand il est seul. Physiquement, il n’a rien qui retienne particulièrement l’attention. Il n’est pas très grand, pas spécialement fort ni vraiment beau. Il mène une existence à demi-mot qui tient un peu de l’absurde. À sa noirceur apparente, je mêle une sorte de candeur mâtinée de violence. C’est cette idée de « bonne mauvaise humeur » qui m’a d’abord intéressée.

Terrifié à l’idée qu’il aurait pu être ce que l’on appelle un être « normal », je l’invente hanté par le thème du miroir et de Narcisse. S’arrachant au monde commun, il s’érige en sujet unique et aime à se mirer. À force de se contempler et de s’exalter, son regard transforme tout le reste en objet de conquête. Ne reconnaissant plus d’autre sujet autour de lui, il se prive – volontiers ? malgré lui ? – d’interlocuteurs ou de pairs. Peut-il alors réellement échapper à la solitude ?

Intriguée par cette personnalité en construction, j’observe, je décortique, j’analyse, je construis, je détruis. Je deviens curieuse de savoir comment quelqu’un à ce point dans le déni de l’autre pourrait évoluer face à sa rencontre avec l’amour qu’il ne cherche ni ne veut. Patiemment, progressivement, insidieusement, je tombe amoureuse de mon héros compliqué. Je lui invente des secrets parfois, des excuses souvent. Il parle peu, mais il écrit beaucoup pour s’exprimer. C’est une thérapie joyeuse dont nous usons et abusons avec délectation. Et heureusement car sans ça, du bilan psychiatrique au fait divers, tout était envisageable.

Plus je pénètre profondément en lui, plus sa personnalité embrouillée me résiste. Animée par son brillant esprit de contradiction, je dois envisager nos rapports comme un perpétuel combat dont il faut sortir vainqueur. Au fond nous cherchons la simplicité, l’émerveillement, mais cela passe toujours par des schémas compliqués. Stupéfiant licite disponible en tout lieu, je me surprends à l’imaginer dans toute sa chair sans trop savoir lequel de nous deux se blesse le plus dans ce périlleux exercice d’équilibre.

À force d’être ensemble nous devenons autant complémentaires qu’antinomiques. Il est très nerveux. Il est aussi sentimental, et comme la plupart des hommes sentimentaux, il est tout ensemble cruel et trompé. Les hommes sentimentaux sont si souvent trahis. Son acidité rectifie ma propension à être trop douce, à toujours vouloir attendre un oui alors que c'est non. Enfin peut-être. Mais son personnage dégénère, déteint. Je me perds en voulant à tout prix apporter ma vision du bonheur à cette âme étrangère. Son côté cactus « Ne me touche pas. Admire moi. » m’agite, me tourmente, me désespère. Je me fatigue de sa capacité à faire tourner les autres dans son manège pendant que lui tourne sur lui-même comme autour d'un axe.

Cet axe, c'est ma fidélité à lui-même. Mais elle en fait un terrain stérile sur lequel il impose une dictature amère qui génère en moi un besoin de consolation impossible à rassasier. Tout en lui reste enfoui. Comme un désert. Un vide d’abord enivrant mais dans lequel on ne peut finalement rien construire. Il m’évoque le néant. Le repli. L’oubli. Exaspérée, je finis par le remiser au fond de la corbeille à papier avec tous les autres.

Comme un enfant qui change tout le temps, qui se lasse vite, je ne me retourne pas. Ma curiosité était évanouie depuis longtemps.