5 septembre 2010

Têtu

#jeveuxetreunsupersonique


Le ciel était bleu. Je voulais tellement célébrer mon dernier jour de stage que je n’ai pas hésité. J’ai enfilé une petite robe corail, des sandales bridées et j’ai affronté le tout Paris, celui aux gens tristes et ternes qui se cachent sous de longs trenchs sombres et osent déjà porter la collection automne hiver. En fait l’azur n’était qu’un artifice, il faisait 10 degrés et le vent était glacial. Je m’étais bel et bien fourvoyée. Mes jambes nues et huilées faisaient jaser dans le métro. Je les voyais tous hausser les sourcils derrière leurs journaux gratuits, attentifs au moindre de mes frissons pour mieux se délecter. Dans une semaine, ces même rapaces liront le très attendu Houellebecq et leurs regards méprisants se jetteront alors sur ceux qui auront l’affront de terminer leur ouvrage estival, à la couverture sableuse et collante qui rappelle l’océan.
Leur moqueries m’importaient peu, le soir même je m’envolais là où le soleil brule la peau et où les dédaigneux ont la vie dure.

Sur place, je retrouve un vieil ami devenu pilote, loin de ressembler à Tom Cruise dans Top Gun, mais tout autant séduisant. Après avoir évoqué les vieux souvenirs des années lycées et cassé du sucre sur nos rivaux de l’époque, je sens qu’il commence à amener la discussion sur son sujet de prédilection… l’aéronautique. C’est un thème épineux que je ne maitrise en aucun point et qui me provoque régulièrement des bâillements incontrôlables. Je tente le tout pour le tout et j’évoque en pagaille Master Chef/la mort de Fignon/le vernis fluo pour les ongles de pied/les Universités d’été/les toc chez les enfants mais c’est un #fail grandiose.

Et son récit commence. Il me raconte qu’il a longtemps pris les commandes d’un Airbus A380, stable et immuable. Il le connaissait par cœur, il savait parfaitement comment le manœuvrer et le guider, il n’avait plus de secrets pour lui. Mais le mois dernier, lors d’un long courrier, l’atterrissage s’est mal passé. Depuis, il renonce d’en entendre parler et jure qu’il ne remontra jamais à son bord.
Il me confie que désormais il aimerait bien piloter un avion de chasse ou un petit coucou. Ah ça oui, il s’imaginerait bien caresser la carrosserie de ces supersoniques rutilants ou prendre soin de ces aéroplanes fragiles.
Je me prends au jeu. Je lui parle rapidement des modèles vintage, ceux aux moteurs froids, aux ailes cassées, à la peinture rayée, et aux manettes rouillées. Il en pense quoi de ceux là ?
Il m’avoue qu’en avoir piloté un avant l’A380 lui a permis de comprendre qu’il n’était pas fait pour lui. Trop compliqué à manier. Sa réponse est tranchante, sans compromis possible. Inspirée par la bouteille de Bordeaux qu’on venait de se siffler je lui suggère que plus un vin vieillit, meilleur il est, et que c’est peut être aussi le cas pour les vieux charters qu’on met de côté. Je veux le persuader. « On peut mettre de l’huile dans le moteur pour les faire chauffer, on peut faire briller leur carrosserie et les ailes peuvent se réparer, non ? »

« Non, ce sera toujours trop compliqué».

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